Chapitre 11

 

Lodesh regarda le soleil encore bas dans le ciel en plissant les yeux tandis que l’effrayante silhouette d’un raku filait sans bruit au-dessus de la neige. C’était une vision impressionnante, même quand on s’y attendait, et qui faisait remonter une peur primitive, des réactions instinctives qu’il fallait soigneusement apaiser. L’homme laissa tomber le bois qu’il portait, se débarrassa des éclats d’écorce et de la mousse accrochés à ses bras, et attendit que son ami se pose et prenne une forme plus familière.

Les yeux perçants faits pour repérer des proies et les griffes acérées destinées à déchirer les chairs se fondirent en une brume grise. Elle descendit en tourbillonnant et se matérialisa en un homme fatigué, vêtu d’un manteau doré qui descendait jusqu’au sol et était maintenu fermé par une large ceinture. On devinait sous l’habit sans manches un pantalon jaune et une chemise assortie aux amples manches.

— Lodesh ! lança Talo-Toecan. Je suis étonné. Je m’attendais à te trouver sur les terres de ta famille, dans la citadelle, non au milieu de la clairière.

Lodesh sourit légèrement et attendit que Talo-Toecan arrive à sa hauteur.

— Je suis sur les terres de ma famille, répondit-il d’une voix douce.

Talo-Toecan s’arrêta ; son regard doré dépassa les épaules de Lodesh et se posa sur le cercle d’arbres-de-joie, à quelques pas de la maison recouverte d’herbe.

— Oui, bien entendu, admit-il, manifestement mal à l’aise. Pardonne-moi. Cependant, tu avais une cité entière à ta disposition, pourquoi avoir choisi la chaumière de Reeve ? Par les os et la cendre, c’est presque un taudis.

Lodesh invita d’un geste discret Talo-Toecan à entrer avant que ses chaussons soient encore plus détrempés. Peu après la mort de sa mère, Lodesh était devenu l’apprenti du gardien du bosquet. C’était un emploi modeste, pour l’un des plus jeunes neveux du Légat de l’époque. La petite maison était le seul endroit, à l’exception de la Forteresse, qu’il considérait comme son foyer. Ils y entrèrent dans un claquement de bottes et un bruissement de chaussons.

— L’endroit est plus facile à chauffer, dit Lodesh en préparant le feu. De plus, j’ai plus de souvenirs agréables ici que dans ma première et dernière demeure, peu importe la hauteur des plafonds ou la finition des sols.

Du coin de l’œil, Lodesh observa Talo-Toecan examiner du regard la pièce confortable mais peu meublée. La chaleur et l’odeur des saucisses qui cuisaient détendirent visiblement le Maître, même si sa tête frôlait presque le plafond bas quand il se tenait debout. Les volets des fenêtres, petites et nombreuses, étaient ouverts pour laisser entrer la lumière. Des sceaux fraîchement installés aux ouvertures remplaçaient à présent le bois et les étoffes qui préservaient autrefois du froid. Une paire de cisailles soigneusement entretenues était posée dans un coin ; récemment huilées, elles luisaient légèrement. Talo-Toecan se figea et détourna le regard de l’outil. Penser à l’homme qui les avait jadis manipulées le perturbait certainement.

Lodesh réprima un sourire, secoua son manteau et le suspendit méticuleusement près du feu.

— Je ne crois pas que vous ayez déjà été invité dans la demeure de Reeve, dit-il, un chiffon sur le bras pour ne pas tacher sa manche en retournant les saucisses.

— Non, répondit Talo-Toecan d’un ton guindé. Il ne m’a jamais pardonné de t’avoir volé à lui, pour ainsi dire. Il a su que les choses se passeraient ainsi dès que ton potentiel de Gardien a commencé à se manifester. Selon moi, Reeve a toujours espéré que tu reviendrais, même après ton départ.

Lodesh prit une grande inspiration, le dos tourné.

— Je serais revenu, murmura-t-il. C’est ce que je m’apprêtais à faire, mais ma cité avait davantage besoin de moi que les arbres sur lesquels il m’avait appris à veiller.

Déprimé de s’être ainsi remémoré des occasions qui n’avaient jamais vraiment existé, il se retourna et vit l’air interrogateur de Talo-Toecan.

— Je ne me plains pas, dit-il avec un petit sourire. La voie que j’ai choisi de suivre avait ses joies.

Le Maître se racla doucement la gorge puis s’assit à la petite table placée sous l’une des fenêtres. Ses coudes glissèrent presque tant elle était étroite. Elle était aussi grande que la pièce le permettait, ce qui ne faisait pas beaucoup.

Lodesh sentit un tiraillement sur ses pensées et ne s’étonna pas de voir l’habituelle théière apparaître sur l’âtre. Il ne fit aucun commentaire. Utiliser celle, ornée de roses, qui avait appartenu jadis à sa mère adoptive serait trop demander à la dignité du raku.

— Je n’arrive pas à croire que vous n’ayez jamais pris le temps d’apprendre à fabriquer quelque chose de mieux que cette horrible théière, dit-il.

Il la remplit d’eau et la reposa sur le feu.

— Elle me suffit, répondit sèchement Talo-Toecan.

Le Maître versa une cuillerée de confiture de fraise dans son assiette, en prenant soin de conserver sa manche serrée contre son bras pour ne pas la salir. Lodesh tira les saucisses du feu et remarqua que Talo-Toecan regardait les étagères bien remplies du garde-manger, puis le grand tas de bois qui s’élevait à l’extérieur, près de la porte.

— Tu as beaucoup de provisions, pour quelqu’un qui n’a rejoint le monde des vivants que depuis hier, déclara le Maître. On pourrait croire que tu avais prévu de revenir.

Lodesh étouffa un juron et, feignant de s’être brûlé, porta la main à sa bouche. La conversation ne prenait pas du tout le tour qu’il souhaitait. Il fit, sans rien dire, glisser deux assiettes supplémentaires sur la table, les yeux baissés. Elles étaient rose pâle et assorties à la théière de sa mère, mais semblaient complètement incongrues.

— Je ne suis pas un shaduf, je ne connais pas l’avenir, dit-il, sur ses gardes.

— Mais pourtant… quand la cité a été abandonnée, ils ont tout pris, jusqu’à la dernière cuiller. Tu as ici des provisions et du bois pour un hiver entier, le tout préservé par des sceaux, et ce depuis combien de temps ? Près de quatre cents ans ?

Lodesh posa deux cuillers raffinées mais ternies à côté des assiettes.

— Reeve m’a fait promettre de garder la maison de mère quand elle nous a quittés, dit-il à contrecœur. (Il prit les saucisses et, tournant le dos à Talo-Toecan, murmura :) Je préférerais ne pas en parler. Reeve et moi ne nous sommes pas quittés en très bons termes.

— Bien entendu.

Talo-Toecan recula quand les saucisses atterrirent dans son assiette. Un pain compact, presque brûlé, les rejoignit bientôt. Le raku n’était pas convaincu, et son silence était plus éloquent que n’importe quel mot ; il était bien trop poli pour dire quoi que ce soit.

Ils mangèrent dans un silence coupable, seulement troublé par le tintement des couverts, jusqu’à ce que Lodesh finisse par poser son couteau et soupirer lourdement.

— Le lui direz-vous ? demanda-t-il.

— Quoi ? Qu’elle est plus que ce qu’elle pense ? (Talo-Toecan fronça les sourcils.) Non. Pas question. Elle pourrait se croire plus puissante qu’elle l’est et précipiter sa perte.

Lodesh se leva et grimaça quand il faillit se cogner à une poutre. Il reprit dans l’âtre la théière fumante et la posa sur la nappe brodée de colibris et d’abeilles. Il remarqua que Talo-Toecan serrait ostensiblement les poings.

— Ça ne va pas du tout ! explosa soudain le Maître. Je l’admets, j’ignore comment m’y prendre avec elle, mais je sais que l’on ne procédait pas ainsi autrefois ! Je suis tout seul, Lodesh. Je ne sais pas ce que je fais.

Lodesh mit les feuilles de thé à infuser et attendit avec tact que Talo-Toecan ait fini de crier et de gesticuler. Il n’était jamais sage d’argumenter contre un raku.

— Les choses finissent toujours par s’arranger d’elles-mêmes, avança-t-il.

— Peut-être.

Talo-Toecan s’effondra sur sa chaise, le regard dans le vide.

— Mais je vais bientôt devoir débarrasser ma Forteresse de Bailic. Si j’en crois la séance de ce matin, les pouvoirs d’Alissa se développent si vite qu’il lui faudra assimiler les leçons du livre, et ce bien avant que la misérable existence de Bailic arrive naturellement à son terme prévisible. Que les cendres m’emportent, Lodesh, je ne sais même pas ce qu’elle a fait pour te ramener. Je ne peux pas continuer à la traiter comme une simple élève !

— Mhm…

Lodesh regarda en haussant les sourcils les longs doigts de Talo-Toecan tambouriner sur la table. Son ami n’avait pas l’habitude d’afficher une telle inquiétude. Le silence s’étira et il le laissa grandir, car il savait que le Maître n’avait pas tout dit.

— Sais-tu ce que j’ai fait lors de sa première leçon ? finit par demander Talo-Toecan. J’ai bien failli me faire brûler les tracés. J’ai été idiot. (Il laissa échapper un petit rire amer.) Non, j’ai eu de la chance. Elle est si incroyablement rapide ! Elle comprend d’instinct les tâches les plus complexes, et elle est pourtant aussi vulnérable qu’un nourrisson. J’aurais cru qu’elle serait… Par les cendres, Lodesh, elle possède la ruse et la rapidité d’un loup cachées sous l’idiote vulnérabilité d’un mouton.

— Un loup élevé par les moutons, souffla Lodesh, tandis que des images de la jeune fille tourbillonnaient dans son esprit.

Elle ne l’avait pas vraiment reconnu. Cela ne l’avait pas surpris. Comment attendre d’Alissa qu’elle se souvienne de quelque chose que seulement l’un d’entre eux avait vécu pour l’instant ? Pourtant, son expression affolée quand il l’avait regardée, en espérant être reconnu, l’avait piqué au vif. Il arrivait déjà trop tard. Reeve avait raison. Il n’était qu’un imbécile aux yeux verts. Le flûtiste avait gagné le cœur de la jeune fille avant même de savoir qu’un autre le lui disputait. Mais cela ne signifiait pas pour autant que l’homme des plaines serait autorisé à le garder.

Lodesh s’arracha à ses pensées quand il sentit le regard soupçonneux de Talo-Toecan peser sur lui. Le Maître avait croisé les bras, la mine renfrognée.

— Tu persistes à attendre sans rien faire, l’accusa-t-il presque. Par les Loups, il ne faudrait pourtant pas grand-chose. Pourquoi ne peux-tu pas simplement le jeter par une fenêtre pour moi ?

— Bailic est votre problème, mon vieil ami, répondit Lodesh en riant. Je dois administrer ma cité. Il y a un prix à payer, qui passe bien avant mon allégeance à la Forteresse. Si j’abandonne les miens pour tenter de mettre fin aux jours de Bailic, qui les guidera vers le repos éternel ? De plus, je ne sais pas si je peux le battre, et je ne veux pas risquer de mourir une seconde fois. Pas si tôt.

Sans se lever, Lodesh posa les assiettes vides sur l’appui de la fenêtre.

— L’esprit seul ne peut réaliser que peu de chose : donner un mauvais rêve ou deux, peut-être faire tomber un livre d’une étagère, faire tourner le lait… mais l’esprit associé au corps… (le rouge lui monta aux joues) est capable d’accomplir tellement plus. (Il regarda par la fenêtre.) J’attendrai.

La chaise de Talo-Toecan grinça quand celui-ci se laissa aller en arrière. Le bruit attira l’attention de Lodesh.

— Ne craignez rien, mon ami à la si longue vie. (Il sourit faiblement.) Vous trouverez un moyen de contourner votre promesse. Comme toujours.

— Si tu refuses de m’aider, c’est ton choix.

C’était incontestablement une accusation, et le regard de Lodesh se durcit.

— J’ai dit que je n’avais pas à m’occuper du problème de Bailic. Jamais que je ne vous aiderais pas, répondit-il sèchement.

Le Maître souffla et se raidit. Lodesh lui jeta un regard amusé et interrogateur jusqu’à ce que Talo-Toecan finisse par se détendre et retrouve une obséquiosité inhabituelle pour lui.

— Tout ce que tu jugeras bon de faire sera apprécié. De mon côté, je passerai tout mon temps à chercher de l’aide. C’est ce que je faisais dans ma prison, dans l’espoir qu’un autre Maître viendrait me secourir. Maintenant que je suis libre, mon champ d’action peut s’étendre aux plaines et à la plus grande partie de la Mer occidentale.

Lodesh s’immobilisa et refusa de retourner à Talo-Toecan son regard plein d’espoir.

— S’ils étaient toujours vivants, l’un d’eux ne serait-il pas déjà revenu ? demanda-t-il en remuant le contenu de la théière pour accélérer son infusion.

— Un Maître ? (Talo-Toecan fronça les sourcils.) Non. S’absenter vingt ans de la forteresse n’a rien d’exceptionnel. Je crains cependant que Bailic ait admirablement réussi à les faire tuer en les envoyant en quête d’une île mythique. S’il restait des survivants, j’aurais au moins réussi à atteindre leurs pensées, depuis le temps. Je vais pourtant continuer à chercher.

Insidieusement, le silence s’installa entre eux, seulement troublé par les crépitements du feu et le chant d’un geai, faible et irréel à travers la fenêtre protégée par un sceau. Mal à l’aise, Lodesh commença à se trémousser sur sa chaise.

— Ils sont morts. Laissez-les, murmura-t-il dans le silence lugubre.

— Je ne peux pas, répondit Talo-Toecan d’une voix distante, les yeux rivés sur la tour de la Forteresse. Lodesh, je suis un vieux raku stupide qui se cramponne aux « peut-être » et aux « un jour » comme le ferait un enfant. (Il prit la théière et remplit leurs deux tasses en évitant de croiser le regard de Lodesh.) Parfois, dans le silence de la nuit, je peux presque l’entendre.

— Keribdis ?

Il hocha la tête, les yeux baissés sur la tasse qu’il enserrait de ses longs doigts.

Lodesh se racla la gorge.

— Eh bien, dit-il d’une voix trop forte, vous devez continuer à écouter.

Le Maître releva soudain la tête, apparemment embarrassé par ses aveux.

— Redal-Stan t’a-t-il déjà parlé de son unique prophétie ? demanda-t-il dans l’intention manifeste de changer de sujet.

Lodesh haussa les sourcils. Redal-Stan avait été leur professeur à tous deux, même si ce n’avait pas été au cours du même siècle, mais l’irascible Maître ne lui avait jamais parlé d’une telle chose.

Un sourire ironique se dessina sur le visage de Talo-Toecan.

— Il m’a jadis confié qu’une grande amitié naîtrait entre les murs de la Forteresse, et qu’une femme y mettrait fin. Il y aurait un triangle amoureux, dont l’issue changerait la destinée de la Forteresse. (Il s’arrêta pour boire une gorgée de thé.) Les deux hommes se disputeraient les faveurs de cette femme. L’un d’eux finirait par trahir son ami et le chargerait d’un fardeau qu’il ne pourrait porter.

Le Maître inspira profondément.

— Redal-Stan m’a demandé de guetter l’arrivée de ce triangle. Il prétendait qu’il serait décisif pour la Forteresse. Selon lui, la Forteresse prospérerait avec le triangle, ou mourrait avec lui. Je crains, mon vieil ami, de ne pas avoir prêté attention à cette mise en garde.

— De quelle manière ?

Talo-Toecan, qui essuyait avec un torchon le bord du pot de marmelade, fronça les sourcils.

— Bailic et les parents d’Alissa ont constitué un tel triangle. J’étais là au début, et à la fin, et même si j’ai tout fait pour empêcher l’inévitable conflit, mes efforts n’ont réussi qu’à faire empirer la situation. (Le Maître, qui n’avait que goûté son thé, repoussa sa tasse.) Je pense que le pire s’est produit, et que la Forteresse ne tiendra plus longtemps debout. Il ne reste plus que moi. (Ses traits anguleux se ridèrent soudain sous le coup de l’émotion.) Le potentiel d’Alissa sera perdu !

— Il ne le sera pas, répondit Lodesh avec assurance. Vous avez déjà mon aide.

Talo-Toecan croisa brièvement son regard.

— Que peux-tu faire, Légat ? Tu n’as pas d’ailes.

— Je n’ai pas d’ailes, admit Lodesh, mais je peux apporter une chose que je suis seul à posséder.

Le Maître changea de position, embarrassé.

— Ce ne sera pas facile. J’ai détruit les geôles après m’être enfui. Elles n’étaient pas faites pour emprisonner un Maître sain d’esprit, et je ne pouvais pas les laisser intactes si j’étais le seul survivant.

Lodesh haussa les épaules. Il n’avait de toute façon pas l’intention d’utiliser les caves de la Forteresse.

— Acceptez-vous mon aide, oui ou non ? demanda-t-il.

— Bien sûr. Je n’ai pas le choix.

— On a toujours le choix.

Lodesh se contracta, parcouru par une soudaine vague de douleur qui se dissipa aussitôt. Elle avait été intense en dépit de sa brièveté. Talo-Toecan lui jeta de nouveau un regard perçant, et Lodesh parvint à s’arracher un petit rire.

— Redal-Stan était bien des choses, dit-il d’un ton léger, mais pas un shaduf. Alissa n’est pas encore perdue. De plus, un shaduf ne peut pas voir l’avenir d’une existence aussi longue que la vôtre. Redal-Stan n’avait aucun moyen de savoir ce qui pourrait ou non arriver. Il vous a seulement donné de quoi vous inquiéter quand lui aurait quitté ce monde.

Talo-Toecan se laissa aller en arrière sur son siège et grimaça : ses genoux venaient de cogner le dessous de la table, ce qui avait fait s’entrechoquer les tasses.

— Peut-être, grogna-t-il en épongeant le thé renversé. Mais il avait pourtant l’air catégorique.

Lodesh hocha sèchement la tête puis vida sa tasse.

— Leur rendez-vous souvent visite ?

— J’ai promis à Alissa de revenir à la prochaine pleine lune pour corriger toutes les idées néfastes que Bailic lui transmet quand il instruit Strell. Je n’ose pas m’y rendre plus souvent. Pas tant que je n’aurai pas trouvé un moyen de me débarrasser de Bailic…

Lodesh, qui s’efforçait d’avoir l’air indifférent, prit la théière et remplit de nouveau sa tasse.

— Souhaiteriez-vous que j’aille la voir plus régulièrement ? Pour vous permettre d’étendre davantage vos recherches, bien entendu.

Talo-Toecan s’appuya contre le dossier de sa chaise, d’un air méfiant, comme s’il comprenait que Lodesh ne lui disait pas tout.

— Lodesh, jusqu’à quel point es-tu fait de chair et de sang ?

L’homme se leva aussitôt pour s’occuper du feu. Il n’avait pas envie d’aborder le sujet pour le moment, et certainement pas avec Talo-Toecan. Avec Alissa, peut-être, quand elle se souviendrait finalement de lui. Si jamais elle se souvenait de lui un jour.

Il entendit dans son dos les doigts de Talo-Toecan tambouriner sur la table, puis s’arrêter.

— Oui, dit-il avec circonspection. Jette un coup d’œil sur eux, je te prie. Tous les trois jours, à peu près. Au moins, je dormirai mieux. Ne te fais pas prendre, c’est tout. Bailic risquerait de… mal interpréter les choses.

Soulagé, Lodesh se retourna. Il aurait de toute façon veillé sur Alissa, mais à présent il avait une excuse, si d’aventure Bailic venait à l’espionner.

— Je hisserai un drapeau si votre présence apparaît nécessaire.

— Je te connais, Lodesh. Je serais toi, j’y réfléchirais à deux fois avant de révéler ma présence à Alissa.

— Ne pas lui dire quand je suis là ? (Lodesh se figea, indigné.) Vous voulez que je rôde comme un voleur ?

Talo-Toecan pouffa.

— Elle voudra que tu restes, et Bailic ne mettra pas plus d’un après-midi pour te débusquer. Il est préférable qu’elle en sache le moins possible sur toi. Il en va de même pour Strell. Si Bailic comprend que tu es réveillé, il trouvera assurément un moyen d’utiliser cette découverte contre Alissa (il grimaça), toi, et ta cité.

Lodesh fronça les sourcils et expira lentement. Ses citoyens. Ils étaient aussi vulnérables qu’Alissa et avaient tout autant de potentiel.

— Oui, oui, vous avez raison, admit-il à contrecœur. Je me ferai aussi discret qu’une souris.

— Bien. (Talo-Toecan se leva, tout sourires.) Merci pour le petit déjeuner, Lodesh. La prochaine fois, j’apporterai les saucisses.

Lodesh s’autorisa un petit rire quand il escorta Talo-Toecan à la porte.

— Ce serait parfait, mais assurez-vous d’abord que le cochon soit vraiment mort, et pas seulement assommé. Il m’a fallu trois jours pour tout nettoyer, la dernière fois, et je ne suis pas certain que Nisi m’ait jamais pardonné.

Vérité Cachée
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